J'en reviendrai (lettres, permissions, et retour à la vie civile)

 

 

 

 

 

Petit encrier français

Les lettres étaient souvent  le seul lien qui les rattachait à leur vie d’avant et à ce qui restait d’humain en eux.
Dans celles qui échappaient à la censure:

"On y sent la terre lourde et sale, on y entend les obus qui hurlent, on y voit les regards qui s’éteignent." (Général André Bach, le Figaro 2006)

 

"Correspondance dans les ruines de Massiges"

 

 

 

 

 

 

 

"A la Main de Massiges",  soldat en train d'écrire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Petit crayon à papier (non exhumé de la craie)

 

Chaque trace au crayon à papier sur une feuille tâchée, écrite sous la pluie du fond d’une tranchée ou  la veille d’une attaque, forment les mots d’une histoire qui parfois ne verra plus la vie.


"Maintenant qu’il avait sa lettre dans sa poche, il n’était plus pressé de la lire, il ne voulait pas dépenser toute sa joie d’un seul coup. Il la goûterait à petits mots, lentement, couché dans un trou, et il s’endormirait avec leur douceur dans l’esprit." 

(Roland Dorgelès, Les croix de bois, 1919)

 

 

"Distribution de courrier secteur de Massiges, 1917"

 

 

 

 

 

 

Petit encrier allemand

Ceux qui sont rentrés se sont murés dans le silence,  acceptant de ne plus être compris de ceux dont ils gardaient la vie et les foyers et à qui ils ne ressemblaient plus qu’à peine.

Leurs écrits subsistent…en ligne sur le site.

 

 

 

Artilleur anonyme 

 

"Les mois et les années peuvent venir.

Ils ne me prendront plus rien. Ils ne peuvent plus rien me prendre.

Je suis si seul et si dénué d’espérance que je peux les accueillir sans crainte."

(Erich Maria  Remarque, à l’Ouest, rien de nouveau, 1928)


Combien ont raté leur retour à la vie civile,  stigmates vivants d’une guerre que ceux de l’arrière  cherchaient à oublier ?
Eux étaient revenus : de quoi pouvaient-ils se plaindre ?

Incapables  de mettre en mots leurs douleurs, ils les ont gardées au plus profond de leurs âmes en espérant vainement qu’elles s’éclipsent à jamais.
Eux étaient allés trop loin, bien au-delà de ce dont le corps peut se souvenir.
Ils  étaient devenus étrangers à leur propre histoire, à leur famille et à leur vie.

Ce sentiment d’incompréhension entre les combattants et les civils, de nombreux poilus en ont fait l’amère expérience lors de leurs rares permissions.

 

"Rien de changé dans le centre. Les théâtres et les cinémas regorgent de monde.

Cette fois le baromètre du civil était descendu à l’orage et l’on entendait assez fréquemment :
"Oui mais qu’est-ce que vous fichez donc là-bas ? Vous ne pouvez pas les mettre dehors ? "
Cette belle innocence du civil fâchait le poilu et au retour c’était un aliment aux conversations dans les cagnas et un prétexte pour maudire de plus en plus les gens de l’intérieur.

(Théodore Devaux, Champagne, en permission du 17 au 25 avril 1915)


"Lorsque je racontais la grande pitié du front, le martyre des villages, la détresse des champs, beaucoup m’écoutaient sans me comprendre, et tous ne me croyaient pas ; car parmi les réalités que l’imagination n’atteint pas, il faut nommer la guerre."

(Joseph Raymond, Froc et épée, 1919)

 

 

Images fantômes sur un fragment de pellicule photo

 

 

"Qui saura jamais les mille actions éparpillées d'une telle bataille, la multitude anonyme des héroiques et des vaillants ? " (Soldat de la 2ème Armée)

"L’arrière, n’imaginait guère les combattants qu’à travers un écran de papier imprimé, répandant et fomentant des légendes immondes, et peut-être nécessaires, de « poilus » perpétuellement insouciants et rigolards, de grands chefs humains, prévoyants, géniaux.

Ce qu’étaient impuissants à dire les récits des permissionnaires, à montrer les membres fraichement torturés des blessés, ce qui restait enclos dans les yeux fous des hommes boueux échappés de leur coin d’enfer, le vent de la mort ne pouvait pas davantage le faire entendre."

(Louis Guiral,  Je les grignote…Champagne 14-15)